Dans quelques jours, nous accueillerons chez nous un migrant en situation irrégulière

Article : Dans quelques jours, nous accueillerons chez nous un migrant en situation irrégulière
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7 novembre 2017

Dans quelques jours, nous accueillerons chez nous un migrant en situation irrégulière

Xhierfomont n°40

4987 Stoumont

Belgique

Voilà, comme ça, c’est clair l’État n’aura pas trop de difficultés à mettre la main sur nous s’il juge qu’on commet une infraction.

À l’heure où ouvrir sa porte est devenu un crime, nous serons criminels et on pourra nous charger de la peine maximale : il y a préméditation. Face à la haine et l’exclusion, nous n’aurons aucune gène à  reprendre « Not In My Name », question de valeurs, de principes, de convictions… et pour tout vous avouer, on ne s’arrêtera pas là!

(C) Liège sans Pub

N’y voyez aucune forme d’héroïsme, d’altruisme, de générosité, de charité, c’est juste une question de bon sens.

Depuis quelques semaines, on a emménagé dans notre nouveau foyer. Après un an de rénovation, on en a fait un petit nid douillet. On y est bien, il y fait bon, il y fait chaud alors que dehors, l’hiver s’installe. L’ennui, c’est la place. Honnêtement, on en a trop. Chaque soir, je ressens une forme de malaise à passer devant ces deux chambres vides avant d’arriver dans la mienne. Électricité, chauffage, literie, tout y est sauf que… personne n’y dort.

Vous voyez, ça n’a rien d’extraordinaire

D’ici quelques jours, on offrira juste un lit, un lit qui ne servait à personne… à quelqu’un qui n’en avait pas. C’est tout.

N’en déplaise à certains, celui qui débarquera chez nous sera le bienvenu.

Un gars qu’on n’a jamais rencontré mais qu’on apprendra à connaitre. Il sera forcément sympathique. On s’entendra bien même si nos cultures sont différentes. Nos cultures seront forcément différentes : on n’aura pas grandi au même endroit, vécu les mêmes expériences mais on pourra s’entendre, on peut forcément s’entendre. Oui vous pouvez nous trouver naïfs mais vous ne nous enlèverez pas de la tête que la nature humaine est fondamentalement bonne et que s’il n’a pas dû encaisser la haine de trop de Theo Francken et autres nationalistes avant d’arriver chez nous, ce gars aura forcément un bon fond.

Il lui faudra du temps pour apprendre notre langue

Nous prendrons ce temps. Parce qu’on est profs de français, ma compagne et moi, parce qu’on a ramé pour baragouiner quelques mots de kinyarwanda à l’heure où c’était nous, les migrants, on ne laissera personne lui dire qu’il n’a qu’à vite apprendre le français et que s’il tarde, c’est qu’il « ne veut pas s’intégrer », qu’il « n’y met pas du sien », qu’il est « replié sur lui-même ».

Ce gars vivra peut-être au crochet de la société pendant quelques années

Sans doute, même. Et alors ? On préfère se savoir dans une société solidaire, dans une société qui donne à chacun la possibilité de s’en sortir, de se construire un avenir, de ne pas se fermer trop vite des portes quitte à ce que ça nous coute un peu plus que dans une société qui criminalise ceux qui ne « créent pas de la richesse ». On n’est pas venu sur terre pour enrichir des actionnaires et remplir des comptes offshores. La seule richesse qui compte, c’est celle, non-bancable, des rapports humains.

Illégal

N’allez pas croire qu’on prend plaisir à défier la loi, à jouer les Bonnie and Clyde de la solidarité : on fera tout pour le régulariser, lui obtenir des papiers en règle et qu’il puisse marcher en rue sans craindre une rafle, une identification dans un sombre commissariat avec la complicité d’un régime autoritaire puis un aller simple pour Dieu sait où…

Un ami qui a déjà fait la démarche m’a dit qu’en tombant sur le bon fonctionnaire, en racontant la bonne histoire, ce n’était pas si difficile d’obtenir des papiers. Tout dépend d’où vient le migrant, d’où il a passé ces derniers mois.
Notre gars, au fond, je crois qu’il n’a pas trop choisi la Belgique par volonté, par gout ou parce qu’on lui en avait raconté des fables merveilleuses. Non, comme souvent, c’est le hasard du regroupement familial qui l’a amené ici. Un destin parmi tant d’autres…

Notre migrant a passé ses 9 derniers mois à grandir dans le ventre de sa mère. Elle est belge, comme moi, son père. Le hasard fait que son pays natal est aussi le nôtre. Il parait que ça fait toute la différence. J’ai du mal à saisir pourquoi.

Il n’a fui aucune guerre, aucun dictateur, aucune famine, aucune discrimination, aucune persécution avant de débarquer et pourtant il sera accueilli à bras ouvert. Alors pourquoi lui et pas eux?

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Commentaires

Lagrenouille
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Sur la question de l'héroïsme ? C'est de l'héroïsme les gars, bien sûr ! La solidarité dans une société individualiste est toujours héroïque. Le fascisme, comme l'a démontré Milgram, c'est faire comme les autres et comme on te dit de le faire.
Pour la petite histoire, si mon grand-père n'avait pas été aidé par des inconnus pendant la guerre, si les parents de ma femme n'avaient pas été hébergés pendant les dictatures, on ne serait même pas là.

Bravo les amis.