Comment peut-on être de gauche ?

Article : Comment peut-on être de gauche ?
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11 juillet 2024

Comment peut-on être de gauche ?

Et écologiste par-dessus le marché !

La presse a beaucoup écrit, beaucoup disserté sur ce qui pouvait se passer dans la tête de celles et ceux, chaque jour plus nombreux, qui choisissent de sortir de l’isoloir, un bulletin d’extrême droite à la main. N’étant, pour ma part, ni journaliste, ni sociologue, ni politiste, je préfère l’avouer : je n’aurais aucun talent ni aucune originalité à essayer de l’expliquer.

Une question me taraude pourtant. Je côtoie des personnes qui s’identifient comme étant de gauche, je me laisse moi-même sans difficulté coller cette étiquette. Notre nombre importe peu, l’interrogation reste entière : au fond, comment peut-on être de gauche… et écologiste par-dessus le marché ?

Photo de Gayatri Malhotra sur Unsplash

Paris, 1720

Paris, 1720. J’imagine Montesquieu, en train de se promener au jardin des Tuileries, soudain pris d’une espèce de vertige semblable au mien. Ça tient sans doute à pas grand-chose : le regard de travers des passants honnêtes, le sentiment d’être étranger dans son propre pays, il suffit parfois de cela pour faire germer l’idée d’un texte.

Photo de Alla Hetman sur Unsplash

Bien sûr, quand Montesquieu fait dire aux Parisiens à la vue d’Usbek et Rica : « comment peut-on être Persan ? », c’est pour se moquer gentiment de leur naïveté myope. Mais ce qui importe à l’auteur, plus que la satire elle-même, c’est d’amener chaque Français à se demander : mais au fond, comment peut-on être pétri de tant de certitudes que l’on en vient à prendre notre condition de Français comme la seule manière d’être au monde ?

Diderot ne fait pas autre chose dans son supplément au voyage de Bougainville,  idem pour Voltaire avec Candide,  Jonathan Swift avec les voyages de Gulliver… chaque représentant des Lumières esquisse, par la fiction, ce moment de recul où nous envisageons n’être ce que nous sommes que parce que nous héritons nos valeurs d’une société et d’une époque données. Mais bon sang, c’est limpide : bon nombre de nos évidences relèvent plus de la convention sociale que de lois mathématiques !

Photo de Sina Saadatmand sur Unsplash

Le meilleur des mondes

Alors osons nous l’avouer : nous ne sommes pas de gauche parce qu’après avoir épluché les programmes des différents partis et les rapports du GIEC, nous en sommes arrivé à la conclusion rationnelle qu’il s’agissait là du meilleur choix possible. Ce serait tout aussi ridicule de prétendre cela que de vouloir faire croire, comme le maitre Pangloss de Voltaire, que nous habitons « le meilleur des mondes possibles ».

Si l’on convient si facilement que les électeurs d’extrême droite sont guidés par une émotion, un sentiment (de déclassement ou de perte de repère, des ras-le-bol ou de gout du risque…) lorsqu’ils votent, il serait condescendant de ne pas admettre que les électeurs de gauche n’ont, certes, pas le monopole du cœur, mais qu’ils en ont tout de même un, eux aussi.

Photo de Clem Onojeghuo sur Unsplash

Quelle émotion ?

Alors quelle émotion ? Qu’est-ce qui fait bouger de son siège un militant convaincu de la justice sociale, un écologiste engagé une fois qu’on l’a déshabillé de son programme, de ses arguments sur la justice sociale et l’épuisement des ressources naturelles ? Sans leaders inspirants, sans tradition familiale…quelle émotion dépouillée subsiste ?

Si on arrivait au bout d’un tel striptease, sans doute resterait-il au gauchiste nu comme un ver(t) l’exact contraire de ce qui amenait les Parisiens de Montesquieu à dévisager Usbek et Rica comme des bêtes étranges. Sans doute lui resterait-il l’exact contraire de ce qu’observa Gulliver à Liliput et Candide en Eldorado : passées les antipodes de nos vies si diverses, reste le sentiment de notre humanité.

Photo de Everton Vila sur Unsplash

Famille

Sans turban, sans bijoux ni signe religieux, il reste au travailleurs érythréen comme à l’homosexuelle lyonnaise ce qui fait d’eux des frères et des sœurs, des hommes pareils aurait chanté un poète. Et pour cette armée de simples gens, voir en l’autre un membre de sa famille, ça a quelque chose de viscéral.

J’aurais sans doute dit cela bien mieux si j’avais été journaliste, politiste ou sociologue. Mais, faute à Voltaire, faute à Rousseau, je ne suis qu’un gamin biberonné aux chansons de Goldman, de Brassens et de Cabrel. Inconsciemment, je crois que dans l’isoloir et dans la vie, ça m’aide à choisir.

Photo de Mike Giles sur Unsplash

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Commentaires

Loïc Daniel
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Dewerihas Benoit
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