Stoumont, en transition ?
Il fait bon vivre par chez eux, même s’il ne fait pas toujours beau… Quelquefois le printemps tarde et les gens guettent l’apparition des bourgeons sur les arbres. Ces gens-là ne sont pas nombreux, habitants d’une petite commune, ils sont une poignée d’hommes et de femmes qui ne représentent qu’une infime portion de la population. Pourtant, attachés aux traditions, ces gens changent, écrivent une histoire, leur histoire.

Devant la caméra
Cette histoire, ce pourrait être celle des habitants de Totnes, petite ville du Sud –Ouest de l’Angleterre qui a vu naitre le mouvement de la transition. 8000 habitants dans un climat maussade. Cette histoire, ce pourrait être celle des gens de Barjac, 1500 villageois perdus au fond du Gard ou celle des gens d’Ungersheim, eux sont un peu plus de 2000 à la frontière alsacienne à un jet de pierre de l’Allemagne. Le point commun de tous ces gens ? Ils ont écrit leur histoire… Et des portevoix l’ont fait connaître. En réalisant Demain, Cyril Dion et Mélanie Laurent ont montré que ça bougeait à Totnes, Marie-Monique Robin, caméra au poing, a fait parler Barjac dans Nos enfants nous accuseront et elle a remis le couvert à Ungersheim avec Qu’est-ce qu’on attend.

Et si on venait filmer Stoumont. Que verrait-on ?
Le film commencerait avec un plan rapproché sur un filet d’eau et le bruissement cristallin de son parcours : à Stoumont, l’eau est un bien commun. Commun donc géré par la commune, ça coule de source. Parce que l’or bleu sous les pieds des habitants leur appartient, les Stoumontois ont gardé la main sur la gestion de leur richesse. Ici, on connait le fontainier, ce n’est pas un contractuel des pays de l’Est engagé par la région parce que sa main d’œuvre coûte moins cher à la Région.

Se nourrir…
Plan suivant : une prairie, avec le tintement d’une clochette, une chèvre et une vache broutant, attendant la traite. Parce que nourrir Stoumont, ça commence… à Stoumont, on se remet, jour après jour, à produire localement. Là, du fromage, là, du maraichage, ici de la viande de bœuf. En ville, on appellerait ça des « start-ups », ici, on dira simplement que des jeunes producteurs ont l’audace d’y croire. Un vue aérienne ferait alors apparaitre une foule de potagers, privés ou partagés, au sol ou dans des bacs, tout comme à Todmorden en Angleterre où sont nés les « Incroyables Comestibles ». La résilience chère à l’esprit de transition, ça commence par être capable de produire son alimentation.
Pour rendre cette nourriture accessible, des citoyens ont fondé un groupement d’achats communs (GAC). Chaque semaine, ils rassemblent les commandes aux producteurs locaux des quatre coins de la commune et de ses environs. S’ils donnent de leur temps, c’est qu’ils savent que derrière chaque tomme de chèvre, chaque pomme de terre, chaque bouteille de bière, il y a un homme ou une femme qui, sans pesticide, sans additif, sans conservateur s’attache à donner le meilleur de son savoir-faire.

Échanger…
Pour payer ces producteurs, ils glissent entre les euros, des sous-rires, la monnaie complémentaire qui peu à peu prend racine dans la région. Sur ce point-là non plus, Stoumont n’a rien à envier à Totnes ou Ungersheim. Plus jeune, le projet est-il forcément moins beau ? Et quand ce n’est pas des sous-rire qui s’échangent, ce sont des semences à la grainothèque voire des services, grâce au Service d’Echange Local (SEL)… ou grâce à la tradition d’entraide qui, dans son ardennaise humilité, ne prend même pas la peine de se donner contre bourgeons, la monnaie symbolique des SEL.
Bientôt, la caméra pourra filmer le premier repair-café lors desquels les citoyens iront apprendre à faire refonctionner ce qu’ils pensaient bon pour la casse. Quant au recyparc, il offre à voir un vrai souci du tri et de revalorisation. Ça parait bête, mais la transition passe aussi par là.
Profiter…
Côté nature : Là-bas, un rucher didactique, ici des citoyens en train de sauver des batraciens en leur faisant traverser la route, sur la rivière un peu plus loin, une passerelle pour ne pas déranger les castors et leur barrage. Côté culture : chez un tel, on expose des photographies, dans cette grange, on se rassemble pour écouter du jazz manouche, dans cette salle, on joue la même représentation trois soirs de suite : salle comble! Au détour de ce chemin? des poèmes reproduits sur des pierres de schiste de la carrière voisine.

Alors non, Stoumont n’est pas Totnes, mais qui sait combien de Stoumontois portent en eux un Rob Hopkins qui s’ignore ? Stoumont n’est pas Barjac mais l’objectif de cantines bio est-il si improbable ? Stoumont ne dispose pas du parc photovoltaïque ni de l’éco-quartier d’Ungersheim mais déjà ses habitants prennent part aux coopératives éoliennes qui fleurissent non loin de là et rêvent d’une autre forme d’habitat. Il en reste de la route à faire pour se hisser au rang des pionniers des communes en transition mais les forces vives n’ont pas attendu les caméras pour se mettre en marche. Nos enfants ne nous accuseront pas car Demain, a déjà commencé aujourd’hui !

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