Ne vous en faites pas pour nous

Article : Ne vous en faites pas pour nous
Crédit: Frederik Lower via Unsplash
10 juin 2024

Ne vous en faites pas pour nous

Nous étions candidates et candidats de gauche écologiste aux élections qui viennent de s’achever. Nous essuyons une défaite cuisante. Demain, les rangs seront clairsemés parmi les représentants démocrates des préoccupés par l’environnement et la justice sociale. Alors à celles et à ceux qui se demandent comment nous allons, j’aimerais répondre ceci : ne vous en faites pas pour nous.

Certains, parmi nous, me ressemblent : jeune, blanc, diplômé, en bonne santé, hétéro, propriétaire, salarié, jouissant du cadre exceptionnel d’un habitat à caractère rural. S’il y a une seule chose à retenir de cette soirée, c’est qu’il n’y a pas à s’en faire pour nous. Pour des gens comme moi, les effets d’une défaite pareille ne sont pas plus douloureux que ceux d’une gueule de bois : un paracétamol, un grand verre d’eau, une bonne nuit de sommeil et ça passera.

CCO : Matthew Henry sur Unsplash

Demain

Parce que le monde de demain menace d’être bien moins tendre avec les demandeurs d’asile, les sans-papiers et tous ceux qui traversent la Méditerranée par contrainte, il faudra s’en faire pour eux et resserrer les rangs, soutenir les associations d’aide aux migrants.

CCO : Photo de Ravi Sharma sur Unsplash

Parce que les plus fragiles d’entre elles pourraient si facilement redevenir des oubliées, parce que construire de nouveaux centres de prise en charge des violences sexuelles ne sera plus une priorité, il faudra tendre l’oreille à toutes ces femmes qui subissent au quotidien le sexisme ordinaire ou les coups de leur conjoint.

Parce que « quand on veut, on peut », que « le travail paie toujours », « il suffit de traverser la rue… », il faudra tendre l’oreille et la main à tous ces chômeurs qui seront encore plus stigmatisés demain, qui perdront peut-être leurs droits. Il faudra écouter leurs situations particulières pour faire entendre que non, les discours simplistes sur la masse de fainéants n’ont pas grand-chose à voir avec la réalité de parcours de vie cabossés.

CCO : Photo de AR sur Unsplash

Eux aussi

Parce qu’ils sont Ouïgours, filles et fils d’immigrés ou parce qu’ils habitent au fond d’une vallée inondable. Parce qu’ils sont artistes, transgenre, petits producteurs locaux qui ne correspondent pas au modèle de l’entrepreneur-winner de la société cotée en bourse. Parce qu’ils sont porteurs de handicaps, malades, drogués et que, pour tout un tas de raison, ils ne peuvent faire résonner avec force leur parole. Parce qu’il est illusoire qu’ils puissent, dans les années à venir transformer cette parole en décisions qui changent la vie, en projets de loi qui sécurisent et qui protègent… Il faudra être sur le terrain. Aux côtés de ces dizaines d’acteurs associatifs, militants, syndicaux, il faudra porter la voix des sans-voix.

Et parce qu’elle n’est encore qu’un bébé dans le ventre de ma chère et tendre. Parce qu’elle n’a pas encore fait résonner son premier cri, mais que déjà, on lui prépare un monde à + 2 °, un monde où six des neuf limites planétaires ont été dépassées, un monde où 60 % de oiseaux des champs ont disparu, ces oiseaux que ses grands frères traquent, jumelles aux poings… parce qu’eux non plus, n’ont pas voté, mais qu’ils n’auront pas d’autre choix que de vivre dans le monde qu’on leur prépare…

Hé bien il faut s’en faire pour eux tous, bien plus que pour nous.

Transformer l’inquiétude

Il nous faudra transformer l’inquiétude en action, par les mille et un autres canaux qui, en marge des parlements, rendent notre monde plus solidaire, plus ouvert et plus doux. Et ne vous en faites pas pour nous : on compte bien mettre l’énergie qu’il faudra pour y parvenir.

CCO : Photo de Alexander Krivitskiy sur Unsplash
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Commentaires

Marie Dupont
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On parle de personne trans* ou transgenre. Le terme transsexuel est très stigmatisant et rejeté par les personnes concernées.
Ce serait chouette de faire la correction dans le texte.

Tanguy Wera
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Merci pour la remarque. J'ai en effet effectué la correction, ne souhaitant stigmatiser personne.

Herbert
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Que dire si ce n'est que MERCIIII

Ingrid Quoibion
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Merci Tanguy, c'est vrai qu'on a besoin d'1 Paracetamol (générique, pas 1 Dafalgan- mais pas 1 Teva non plus)... Et c'est vrai qu'on a besoin de relativiser notre misère électoraliste, de la transformer en énergie combative, plus que jamais !
Hauts les cœurs

Véronique Colson
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Très chouette texte, merci.
Juste : le terme inclusif et le + respectueux est transgenre. Transsexuel était dans les manuels de psychiatrie qui considéraient la transition comme une maladie. Ce n'est pas une question sexuelle en soi mais un changement de genre.

Tanguy Wera
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Merci Véronique du retour. Erreur lexicale corrigée!

Jean Blanchy
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Très beau texte, merci.

Chloé
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Merci pour ces mots, sensibles, éthiques et réchauffants.
La tolérance, le respect de l'autre dans toute sa différence, l'humilité et la solidarité sont des valeurs fondamentales, et qui restent bien là, au centre du cœur de beaucoup de citoyens du monde. Que certains le veuillent ou non.

soyeur
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Merci pour ce texte !

Madeline
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Beaucoup de vos électeurs &-trices ne vous ressemblent pas : locataire, sans emploi, sans diplôme, retraitée, sans voiture, indépendant en galère, mère célibataire, handicapé sans enfant, vivant dans la précarité, cultivant des radis, bénévole dans une coopérative locale ou ramassant les invendus en fin de semaine ! La fin du monde est la fin du mois sont un seul et même combat ! L'entre-soi bobo des écolos a tué le mouvement écolo. Mais vous allez vous ressaisir ! Merci pour votre engagement citoyen en politique.

Tanguy Wera
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Merci pour votre message : c'est précisément parce que beaucoup de mes électeurs mais aussi beaucoup de mes colistiers ne me ressemblent pas que je suis fier d'y militer. Le grand vainqueur des élections a présenté, dans ma province, une liste avec uniquement des candidats blancs (la seule personne non-blanche a été blanchie pour ne pas faire tache). Je suis heureux d'avoir milité aux côtés de personnes non-blanches, d'infirmières, d'homosexuel·le·s, de jeunes urbains... cette diversité assumée aurait dû être notre force et quels que soient les constats que l'on tire de la défaite, nous ne renierons pas cela.

Muylle Pierre
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Je ne m'inquiète pas pour vous, même si j ai voté PS, et suis particulièrement sensible et investi concrètement dans la lutte pour l'accès au logement pour tous et surtout les 'sans chez soi. Nous aurons besoin de toutes les forces progressistes.

Scius Marc
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Ne baissons pas les bras. L’écologie politique s’est cassé la g…., mais l’activisme écologique doit plus que jamais se renforcer. Les projets politiques des partis au pouvoir demain ne rejettent pas le capitalisme, cause majeure de l’effondrement climat écologique actuel. Et pour obtenir l’adhésion des citoyen.ne.s, ils continuent à chanter les vertus de ce système contre-nature. Le combat doit continuer, avec toutes et tous, progressistes, écologistes, syndicalistes, … ✊✊✊

Dohogne
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Superbe