L’homme politique le plus bête de Belgique

Article : L’homme politique le plus bête de Belgique
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25 décembre 2021

L’homme politique le plus bête de Belgique

Gueule de mouton
Adalia Botha – Unsplash – CC0

S’il fallait une cérémonie pour remettre la palme à l’homme politique le plus bête de Belgique et qu’il m’était donné de la présider, mon jugement serait rapide. Je serais le grand gagnant. Oui, avec un aplomb et un sens du conflit d’intérêts dont la fonction politique a parfois le secret, en assumant être, sans distinction, juge et partie, je m’autoattribuerais la palme de la stupidité en politique.

Je n’ai pas dit naïveté, manque d’expérience ou idéalisme béat, quoique dans ces compétitions-là aussi je puisse également avoir mes chances. Non, on parle bien ici de stupidité, de connerie, de bêtise.

Rétroacte

Élu aux communales voici trois ans, j’ai passé près de deux tiers de mon mandat sous le coup d’une pandémie mondiale dont on n’est pas encore sorti. Autant l’avouer d’emblée, je n’ai guère eu, à titre personnel, à endosser la responsabilité d’un nombre trop important de décisions douloureuses à ce sujet. Souvent, pour ne pas dire toujours, il revenait à une autorité supérieure, ministres, gouverneurs provinciaux, bourgmestres… de trancher, d’assumer pour tenter de garder la situation sanitaire sous contrôle.

moutons
Mitchell Orr – Unsplash – CCO

Alors, du premier jour de la pandémie à ce jour de décembre 2021, j’ai gardé une position humble : les mois passant, ne devenant ni épidémiologiste, ni virologue, n’ayant pas le temps de consulter l’entièreté des données et recommandations produites par la grande diversité d’experts habilités à donner leur avis, je me suis tu. Je m’en suis remis aux autorités supérieures qui, je l’espérais, prenaient le temps d’écouter la diversité de ces voix avant de trancher, en leur âme et conscience.

On en pensera ce qu’on voudra mais j’ai donc assumé, à mon humble niveau. Demandant à des amies de scanner le covid safe ticket de leurs propres parents pour assister à leur anniversaire, rappelant aux directions des écoles dont j’avais la charge de faire porter le masque à leurs élèves de 6 à 12 ans suite au revirement du comité de concertation alors que la circulaire ministérielle parue 10 jours plus tôt alignait encore les bonnes raisons de ne pas le leur faire porter… On peut le dire, je passais pour un con.

troupeau mouton
Andrea Lightfoot – Unsplash -CCO

Le point de bascule

Jusque-là, j’avais encore l’espoir que cette stupidité ne soit que de façade. Après tout, je n’étais qu’un obéissant soldat avec un regard peut-être un peu vitreux. Au fond, les mois passant, rien n’avait changé : j’étais toujours aussi incompétent pour juger le bien-fondé des décisions prises et j’aurais été bien peu crédible à formuler toute autre approche en matière de santé publique. Alors brave lieutenant, j’exécutais ou faisais exécuter, jouant la courroie de transmission, le dernier maillon de la chaîne qui répète docilement sa leçon en m’excusant de n’être que l’humble messager des décisions des autorités supérieures.

Puis il y a eu ce 22 décembre, cette décision de fermer les théâtres et les cinémas alors qu’il avait été démontré que ceux-ci n’étaient pas des lieux de contamination. Ce jour-là, le brave soldat qui pendant près de 650 jours exécutait, se disant que nombre de ses concitoyens le prenaient pour un con, s’est rendu compte qu’aux étages supérieurs aussi, on se foutait de sa gueule.

Julian Schiemann – Unsplash -CCO

Le résultat

Là, un homme politique doté d’amour-propre et de bon sens se rebifferait, entrerait en résistance, démissionnerait pour marquer le coup… pas moi. Quand je vous dis que je mérite la palme de la bêtise ! Ce moment grotesque est passé, j’accuse toujours le coup, hagard comme Foreman un soir de 1971 et… je reste là.

Au grand dam de ceux qui espéraient que, dans la morne plaine de mon abrutissement, cet éclair de lucidité me fasse jeter le gant, je reste convaincu qu’il y a lieu de demeurer en place, sans coup d’éclat, sans partir en croisade contre des moulins à vent. Je reste persuadé qu’il y a quantité de combats à mener, de projets à porter, de défis à relever, en matière de culture, d’enseignement, mais aussi d’environnement, d’alimentation, d’économie d’énergie, etc. bien au-delà de la pandémie.

Ma bêtise pleinement assumée, je reste donc là, au moins pour les trois années à venir, plus motivé que jamais pour relever les défis qui se profilent à l’horizon. Et le pire, c’est qu’on est nombreux dans le cas, à ne pas claquer la porte malgré notre conscience aigüe de l’absurdité de la situation. Il faut croire qu’on se renforce mutuellement dans notre stupidité. Peut-être que seuls nous meuvent ces mots de Jean Ferrat :

On peut me dire sans rémission
Qu’en groupe en ligue en procession
On a l’intelligence bête.
Je n’ai qu’une consolation
C’est qu’on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste.

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Commentaires

Meureau Marie-Octavie
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Tu restes en place. Ouf pour nous ! Merci de continuer. D'autres aussi "idiots" partagent ton avis, te comprennent et te soutiennent.

Anne Habraken
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Parfois rester ne pas fuir est plus difficile que de partir, je suis certaine que à ton niveau comme bien d autres personnes ce dernier coup est celui qui nous poussera plus que jamais à entrer en résistance chacun à notre niveau. A chacun de nous de nous trouver un spectacle pour soutenir la culture.

René
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J'adore ton analyse du moment Tanguy.
Je te souhaite encore beaucoup d'années de conneries assumées.