Le mobile du crime

Article : Le mobile du crime
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23 novembre 2022

Le mobile du crime

Credit : Tanguy Wera

Il y a quelques mois, dans ma ville, un homme, excédé de voir, tous les matins, en allant prendre son train, une publicité pour une voiture sur écran géant a simplement coupé la prise. Le temps d’un instant, il a simplement fait cesser l’arrivée électrique d’un écran publicitaire consommant autant de courant que plusieurs ménages à l’année. Ce crime lui a valu une arrestation musclée et de porter le chapeau du train mis en retard « par sa faute »… du fait de son arrestation, en réalité.

On pouvait croire que l’incident avait au moins eu le mérite d’ouvrir les yeux des élus sur l’absurdité de faire la promotion de la voiture au milieu d’un espace consacré aux transports en commun mais non : ces derniers jours, on a vu fleurir, au milieu d’un piétonnier, une cage de verre avec une voiture au milieu.

Pas une voiture familiale, une voiture partagée ou un utilitaire. Non, un SUV, utile à rien et nuisible à tous.

Certains pesteront, grogneront, râleront… moi je rêve.

Je rêve

Je rêve qu’un jour on mette un vélo dans une cage de verre. Pas un beau vélo électrique flambant neuf, non, un vieux vélo mécanique qui a fait son temps, un cadre blanc aux pignons bien huilés mille fois réparé et mille fois reparti à l’assaut des pavés. Le genre de vélos que les papas ou les mamans sont fiers de montrer à leur progéniture en disant « avec cette bécane-là, j’ai fait Paris-Roubais, le Ventoux, le Tourmalet… »

Je rêve qu’un jour, on mette un piéton, ou du moins la statue d’un piéton (évitons la maltraitance animale) dans une cage de verre pour dire merci aux gens qui marchent. Pas pour en faire la pub, personne ne vend des piétons : le piéton ne coûte rien à personne. Le piéton ne paye même pas d’écotaxe puisqu’il ne pollue aucun air, n’a sur la conscience aucune infection respiratoire. On mettrait un piéton dans lequel se reconnaîtraient les passants honnêtes et chacune et chacun d’entre eux sourirait en le voyant.  Les marcheurs anonymes se diraient alors qu’ils vivent dans une société qui valorise leur petit geste quotidien, un geste vieux comme l’homo erectus : poser un pied devant l’autre pour avancer.

Évidemment, le camp d’en face a infiniment plus de moyens pour imposer son cauchemar dans l’espace public que je n’en ai pour faire entendre mon rêve.

Combat

Alors en attendant, sur cette vitre-là, celle du cube de verre de la voiture, il me viendra peut-être l’irrépressible besoin, si personne ne l’a fait avant moi, d’y lancer quelques pots de peinture. Que voulez-vous ? On mène la bataille culturelle avec les armes qu’on a. Ce jour-là, pour sûr, il se trouvera des gens pour dire que c’est incorrect, que c’est une atteinte à la propriété privée, une dégradation honteuse, que la loi me l’interdit, que c’est contreproductif, que ça nuit à la cause… on connait ces refrains-là, « les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux » mais rien à faire, plus j’y réfléchis, et plus je me dis qu’on a eu assez d’avertissements. Le chemin qu’il nous faut emprunter pour tenir le coup, ce n’est pas dans ce genre de véhicules qu’on pourra le poursuivre.

Alors, on crève les pneus et on poursuit la route ensemble ?

post scriptum

Parfois les histoires finissent bien, la pression retombe et on a le droit, alors, de remercier les alliés inattendus. Savoir reprendre la route vers d’autres batailles en savourant les petites victoires, ça fait aussi partie du chemin.

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