Grandeur des minuscules

Article : Grandeur des minuscules
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31 décembre 2023

Grandeur des minuscules

Comme vous j’aime le feu.

J’aime l’énergie brûlante des monstres sacrés. J’aime la fougue des héros déterminés dès l’aube à voler le soleil. Comme vous, je peux ressentir, je crois, la fièvre des stades et l’amour pour les moteurs vibrants des grosses cylindrées. Je comprends la vitesse qui grise et la puissance qui électrise. Et quand rougeoie le soir, mon œil sait briller au reflet du brasier où tourne le gibier. C’est la flamme qui dore la chair d’un animal, frappé par le fracas d’un coup de feu fatal.

Comme vous j’aime les majuscules. L’Art avec un grand A, la Tradition qui rassure, l’Intouchable grandeur, le Sacré qui guide, l’Excellence qui élève… tout ce qui attise le métal en fusion qui enflamme nos veines. J’aime ces phares qui, dans l’obscurité, éclairent nos nuits de loin et bravent les tempêtes.

Mohammad Madrani – Unsplash -CCO

Peurs

Alors comme vous, je crains la cendre tiède.

Je redoute la molle guimauve et la lenteur exaspérante. Quand on m’ordonne de ralentir, j’avale des litres de boissons énergisantes pour retourner brûler la chandelle par les deux bouts. vous craignez que bienveillance, douceur et sérénité ne soient que de pudiques voiles pour masquer la fadeur d’une nuit sans étoile. Je crois que je vous comprends.

L’ombre du mépris des éveillés plane sur tous les feux nourris de votre or noir. Vous avez peur que les censeurs plongent vos flambeaux vifs dans des seaux d’eau glacée. Que restera-t-il alors ? Le silence, la noirceur et la froideur austère ? Les donneurs de leçons des tristes monastères ?

Photo de Agustín Ljósmyndun sur Unsplash – CCO

Lucioles

Mais peut-être… peut-être qu’aveuglés par le brasier des certitudes, vous n’avez pas vu, pas senti pas entendu.

Quand s’éteint l’incendie, s’allume et brillent alors cent milles braises ardentes, de ces braises qui font lever la vie dans tous les pains du monde.

Quand se tait le moteur, s’éteint le projecteur, s’éclairent des lucioles qui ouvrent des chemins que l’on n’avait pas vus dans notre course folle. C’est la folle farandole des furtifs qui se faufilent et l’inexploré qui se révèle.

Quand se taisent les cris de nos monstres sacrés, ce n’est pas le silence qui relaye leur tumulte, ce sont les mille voix d’un chœur inentendu : silenciées et colonisés, oubliés et méprisées.

Quand s’effondrent les géants, pointe la grandeur des minuscules.

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