Devenir adulte, c’est rêver ensemble

Article : Devenir adulte, c’est rêver ensemble
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15 octobre 2023

Devenir adulte, c’est rêver ensemble

Annie Spratt -Unsplash CCO

Enfance

Enfant, on disait de moi que j’étais un petit garçon rêveur, dans la lune, qui débordait d’imagination. Forcément, à l’époque, je croyais que ce trait de caractère me rendait extraordinairement unique. Avec le recul, je me demande de combien de milliers, de combien de millions d’enfants on a pu dire cela.

Quand je regarde mes propres enfants aujourd’hui, je retrouve ce même plaisir à construire des palais dans les buissons, à feuilleter des BD et empiler des briques de couleurs pour en faire des véhicules improbables. Comme depuis des générations, comme partout sur le globe, mes gamins mettent le pied à l’étrier des chevauchées lunaires et partent combattre les tyrannosaures que j’avais laissés au repos dans le coin d’un grenier, le temps de grandir.

Alors sans doute ces rêves et ces délires sont-ils la part d’enfance la plus universelle et commune qui soit.

Leo Rivas – Unsplash CCO

Jeunesse

Mais innombrables sont les adultes qui s’accrochent à ce morceau d’enfance. Artistes, conteuses et comédiens, adeptes des jeux de rôle ou de plateau s’arcboutent contre le sérieux dont on voudrait revêtir l’âge adulte. Même les paradis artificiels, d’une certaine manière, semblent utiles à faire revenir les rêves enfouis.

Pour ma part, j’ai trouvé un temps dans l’animation de mouvements de jeunesse ce pont suspendu entre deux âges de la vie. Puis les années passant sont venues me taper sur l’épaule, suggérant que consacrer mes samedis après-midi à faire éclore des dragons devant des enfants de six ans n’était pas un plan de carrière bien raisonnable.

École Belge de Kigali – Collection personnelle – CCO

Solitude

Je regarde mes enfants et leurs amis jouer dans le jardin et je suis frappé par leur solitude. Bien sûr, ils communiquent, échangent, surenchérissent sur les mots des autres. Bien sûr, ils se mettent à trois pour déterrer un trésor, mimer la vie des grands ou échafauder un mauvais coup. Mais au fond, tout se passe comme si, communiant en apparence, chacun ne dialoguait vraiment qu’avec son monde intérieur. Les amis rentrent chez eux, les histoires continuent : tel voleur ne perd rien pour attendre, telle cape de superhéros reste vissée au corps et tel dessin fantastique se poursuit dans l’indifférence presque totale du départ des copains. Jusqu’au creux du lit, les histoires se poursuivent.

Sandra Seitamaa – Unsplash – CCO

Ensemble

Depuis que nous avons quitté l’enfance, nous avons appris à prendre notre part. Les amitiés se sont muées en jeunesses de village ou en cercles étudiants organisant fêtes et ripailles. Nos études ont débouché sur des emplois où chacune et chacun d’entre nous acceptait de mettre ses compétences au service d’un collectif qui le dépassait. Dans des clubs de sport, des églises, des comités de parents, des syndicats, des associations et dans le bal des conventions sociales, nous avons pris part à quelque chose de plus grand que nous. Nous nous sommes convaincus chaque jour que la somme de nos talents réunis valait mieux que nos rêves solitaires.

Pourtant, quand je regarde en arrière, je crois n’avoir jamais abandonné la part de rêve qui nourrissait mes joies d’enfance. Se lancer à corps perdu dans le projet d’un monde plus juste, d’une éducation qui libère, d’une convivialité infinie, cultiver la beauté partout où elle peut pousser, au fond, ce n’est pas beaucoup plus raisonnable que de pourchasser des tyrannosaures. Avec le recul, je suis persuadé qu’on est quelques millions d’adultes à se rejoindre dans ces mondes imaginaires qu’il nous reste à construire. L’incroyable complexité du monde, la gravité des guerres, des flux d’énergie, de capitaux, d’informations stratégiques et de courants océaniques n’y font rien : on rêve de jours meilleurs et on se met en mouvement pour y contribuer. Au fond, une seule chose a changé avec la force des années : on a décidé de rêver ensemble!

Hudson Hindte – Unsplash -CCO
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Commentaires

Guy Simonis
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"Un rêve devient réalité quand on est assez à vouloir qu'il ne soit pas qu'un rêve."

Tanguy Wera
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C'est joliment dit et ça rejoint bien l'esprit de ce que j'essaye d'exprimer :-)

Charlotte
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Tellement vrai…notre seul vrai bonheur est de rêver ensemble et de réaliser quelques uns de ses rêves…