Quatre voyages et un enterrement (1/2)
J’ai voulu, moi aussi, pouvoir raconter à mes fils le soleil qui se couche sur la mosquée bleue à Istanbul, les matins au YMCA de Brooklyn et le rafting sur le Nil. Et j’ai échoué.
Ce n’est jamais simple de dévoiler ses complexes, les miens ne font pas exception à la règle, bien que… enfin, lisez et vous verrez par vous-mêmes. Au spécialiste des coccolithophores qui parle avec passion de son objet d’étude, on tire son chapeau sans pour autant avoir compris un traitre mot de ce qu’il avançait. On excuse le charabia de l’ingénieur aérospatial parce que ce qu’on attend de lui, avant tout,…
Deux photos Deux photos que tout oppose. Voilà ce qui nous vient à l’esprit quand on s’essaye à résumer le passé, dans les contrées où je réside. Chez nous, en Ardenne belge, le passé semble cantonné à deux clichés. Le premier est d’une netteté presque grisante : chaque détail a été saisi par l’objectif d’un photographe méticuleux : historiquement daté, documenté, cartographié. Le second, au contraire, est flou, diffus, vague et semble…
C’était en avril dernier, autant dire, médiatiquement, une éternité. Je m’étais lancé le défi, à moi qui conjugue presque tous les attributs du statut de privilégié (jeune, blanc, hétérosexuel, diplômé, valide...) à une langue bien pendue de me taire pendant un mois.
Se trémousser n’a pas d’utilité physiologique immédiate comme dormir, boire ou déféquer. Ça n’a même pas d’utilité à moyen terme : mon fils ne danse pas pour obtenir des bravos, des câlins ou des cacahuètes comme un singe savant, non, tout semble indiquer qu’il danse… pour danser !
Découvrir l’Autre, ça ne se fait pas tous les jours sans inconfort, sans divergences, sans frictions, mais on sort grandi parce qu’avec l’Autre, on construit des projets solides, des projets faits de compromis, de prise en compte de la différence, des réalités quotidiennes et habitudes surprenantes qui, réunies, font notre richesse et notre diversité.
Je suis blanc, jeune, hétérosexuel, cisgenre, n’ai jamais été persécuté du fait de ma religion ou mes opinions. Je ne suis porteur d’aucun handicap ni maladie physique. Je ne suis tourmenté d’aucune manière du fait de mon apparence physique et pour couronner le tout, je suis diplômé et j’appartiens à ce qu’on nomme pudiquement « la classe moyenne ». Alors pendant un mois, j'ai décidé de me taire et d'écouter les autres.
Et si les libéraux n'étaient pas ceux qui croient en la vertu intouchable du libre-marché, mais nous, nous qui croyons qu’on sera plus heureux, demain, en nous libérant de la servitude de la sacrosainte croissance et de la consommation à outrance ?